Notre politique culturelle : l’art et la science au peuple

« Les jeunes gens pressentent dans l’avenir une forme de société plus harmonieuse et plus belle, et ils peuvent dire comme Beethoven : « Nous sentons de plus grandes choses planer devant nous. »
Jean Jaurès, L’art et le socialisme, 1900
 

La culture occupe depuis longtemps une place de premier plan dans la politique menée par la ville de Rennes. Mais malgré les belles intentions affichées par l’équipe municipale socialiste – « former des citoyens éclairés par l’appropriation d’œuvres d’art », « émanciper les individus » – et malgré la priorité donnée en 2007 à la lutte contre l’inégalité d’accès à la culture (par exemple, la carte « Sortir » a été mise en place et c’est une bonne chose), le quartier du Blosne est en train de passer en Zone de sécurité prioritaire. Les 3200 spectateurs pour Dieudonné au Liberté en 2013 et les 200 « antifa » cassant vitres et voitures au centre-ville, qui sont deux expressions du rejet des élites sans alternative positive, révèlent une réalité sans appel : la politique culturelle socialiste est un échec. La cause en est que la municipalité n’a pas voulu rompre avec une approche privilégiant le clientélisme en vue de faire briller la vitrine de la Ville sur la scène internationale, dans un contexte de compétition avec les autres villes ; en conséquence, on se borne à tenter de ménager l’électorat en donnant ça et là quelques miettes, ou en encadrant les jeunes au Dazibao afin d’éviter les problèmes en centre ville.

TransenSlip

Ubik – 3ème rencontre des Transmusicales – 1981

Pour exemple, les Transmusicales reçoivent chaque année 1 million d’euros de subventions de la Mairie (ce qui représente 10 % des subventions à la culture), tandis que le club de hockey (le seul d’Ille-et-Vilaine) menace de devoir mettre la clé sous la porte, suite au refus des élus de rééchelonner une petite dette de 35 000 euros. Certains diront : « Oui, mais les Transmusicales font le prestige de notre ville, et puis on a fait émerger des artistes comme Nirvana ! » Ah oui, celui qui fait l’apologie du viol (« Rape me ») et qui finit en se tirant une balle dans la tête ? Est-ce ainsi que l’on forme des « citoyens éclairés » ? Si ce festival a tant de succès, alors il pourra très bien fonctionner avec moins de subvention de la municipalité. D’autant que la moitié de la subvention actuelle, c’est-à-dire 500.000 euros, nous permettrait d’équiper chacune des 59 écoles élémentaires de la ville avec les instruments nécessaires pour former un petit orchestre (violons, violoncelles, clarinettes, trombones, etc.), afin de lancer notre projet Amadeus !

Enfants-El-Sistema

La question à se poser est la suivante : quel rôle joue la culture dans la société, et quel rôle devrait-elle jouer ? Les jeunes sont-ils incités à exercer leur créativité dans les écoles et les universités ? La télévision, les réseaux sociaux virtuels, les jeux vidéos, etc., les rendent-ils plus intelligents, plus engagés pour un futur meilleur ? On se sent presque ridicule à poser la question tellement on sait parfaitement que c’est tout le contraire. La réalité, c’est que nous vivons dans une culture qui rejette la créativité. La frontière entre culture et show-bizz a quasiment disparu. Au lieu d’élever les individus et d’enrichir leur vie intérieure, faisant d’eux des citoyens responsables engagés pour l’avenir de leur société, la culture du zap, du flash, du boum et du clic les réduit à des êtres sans repères, tournant en rond dans le bocal du présent. Ils deviennent ainsi des proies faciles pour les prédateurs financiers et leurs serviteurs politiques.
Le basculement des années 70 dans une économie dominée par le court terme financier a correspondu au déferlement de la contre-culture de l’instant et de l’instinct, sous l’impulsion des « puissantes usines de rêve » dénoncées par André Malraux en son temps, qui font « appel aux éléments les plus profonds, les plus organiques et, pour tout dire, les plus terribles de l’être humain et avant tout, bien entendu, le sexe, le sang et la mort. » La ville de Rennes a joué dans ce contexte un rôle de laboratoire où, en particulier sous la gouvernance socialiste (à partir de 1977), la culture a été progressivement asservie à des critères et des intérêts commerciaux et politiques.
Comprendre l’histoire parallèle de l’économie et de la culture est donc essentiel si l’on veut rebâtir une culture vraiment humaine, redonnant l’art et la science au peuple. C’était l’ambition de Léo Lagrange en 1936 et aussi celle des Maisons de la culture lancées par André Malraux quand il était ministre des Affaires culturelles sous de Gaulle, et c’est notre ambition dans cette élection municipale : faire de Rennes une ville pionnière inspirant les autres, avec des projets comme l’opération « Amadeus » et le Musée de la découverte et de l’imaginaire.
Notre objectif n’est pas de revenir à une tradition, mais d’encourager une culture de la découverte et de l’émancipation pour toutes et pour tous.

L’histoire

Depuis le début de l’ère industrielle, avec le progrès social rendu possible par les progrès de la science et des technologies, la culture est devenue un enjeu majeur, en raison du temps libre généré par l’utilisation des machines. André Malraux, à l’occasion de l’ouverture de la Maison de la culture d’Amiens, mettait en garde contre la notion fallacieuse de « loisir » : « Le problème que notre civilisation nous pose n’est pas du tout celui de l’amusement. (…) Si le mot culture a un sens, il est ce qui répond au visage qu’a dans la glace un être humain quand il regarde ce qui sera son visage de mort. La culture, c’est ce qui répond à l’homme quand il se demande ce qu’il fait sur la terre. » L’intention de Malraux était de sortir la France d’une logique où la culture brillait à la capitale, pendant que la « province » restait culturellement arriérée. La création des Maisons de la culture, avant tout dans des villes de taille moyenne comme Bourges, Grenoble, Nevers, Chambéry, visait à « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité au plus grand nombre de Français ».
Après la guerre, espérant que le rayonnement culturel de Rennes entraînerait son développement économique, l’équipe municipale dirigée par Henri Fréville met en œuvre une politique culturelle sans précédent. Dans l’esprit du Conseil national de la Résistance, une coopération inédite entre la CAF et la Ville permet d’établir des centres sociaux dans tous les quartiers, offrant aux Rennais des services très divers : halte-garderie, couture, soins, foyers de jeunes, salles de réunions, etc. En même temps, la Maison de la culture, notamment sous la direction de Chérif Khaznadar, devient l’une des plus fréquentées de France. Avec l’arrivée d’Edmond Hervé et le départ de Khaznadar, les moyens donnés à la politique culturelle sont considérablement accrus, mais son orientation change : le choix est fait de miser sur des évènements festifs, afin de cultiver le prestige de la ville (c’est à cette époque que de nombreux festivals sont créés, comme les Transmusicales et les Tombées de la nuit). On donne de plus en plus les clés aux acteurs privés, par le biais de partenariats public-privé. On abandonne le Festival des arts traditionnels, fondé par Khaznadar dans le but de faire découvrir aux Bretons les cultures des autres pays. Enfin, à l’intention initiale qui était de donner aux citoyens accès au patrimoine universel de l’humanité, jugée trop « élitiste », on substitue l’idée que les œuvres promues à la Maison de la culture doivent exprimer « le quotidien des gens », en les flattant plutôt qu’en les élevant.
Ainsi, en s’adaptant à l’ère du temps soixante-huitarde, cette « démocratisation » de la culture a entraîné sa banalisation. Aujourd’hui, cette approche s’épuisant d’elle-même est arrivée à son terme. Il est temps de faire preuve de courage en la remettant en cause et en proposant aux Rennais de renouer avec l’esprit pionnier qui animait la France et Rennes après la guerre.
Notre objectif est de revenir à l’esprit de la Libération.

L’art et la science au peuple

Telle est l’ambition de la politique culturelle de Solidarité et Progrès : faire des grandes oeuvres d’art de l’humanité et des grandes découvertes scientifiques le bien de tous. C’est en fonction de cet objectif premier que les budgets alloués à la culture seront redirigés, en prenant l’engagement minimum de ne pas réduire la part du budget municipal consacré à la politique culturelle (18 millions pour la Métropole en 2013 et 17 % du budget de la ville de Rennes en 2013).

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Deux piliers

Le projet Amadeus dans les écoles primaires et la construction d’un Musée de la découverte et de l’imaginaire seront les deux contributions fortes de notre politique culturelle pour donner vie à un « vouloir vivre et faire ensemble », souvent invoqué pour obtenir des voix, rarement une réalité dans le quotidien des habitants.
Ce projet Amadeus s’inspire du musicien José Antonio Abreu, fondateur du programme El Sistema au Venezuela, pour qui l’accès à la musique savante (polyphonique) est un « droit social ». Chaque enfant pourra découvrir ce qu’est la création partagée au sein d’une chorale, en écoutant sa voix et celle des autres dans leurs registres différents s’harmonisant pour composer une unité dans la diversité (voir le projet culturel « Amadeus »). De même, le Musée de la découverte et de l’imaginaire présentera aux citoyens l’histoire des grandes découvertes de l’humanité (depuis la maîtrise du feu jusqu’à la fusion thermonucléaire contrôlée), non pas en se contentant de donner le résultat, mais en faisant revivre les étapes et les expériences simples ayant conduit à la découverte (voir « Le Musée de la découverte et de l’imaginaire »).

Autres initiatives

En complément à ces deux piliers de la politique culturelle de Rennes, facteurs de cohésion sociale, voici un ensemble de propositions qui permettront de faire de l’art un bien commun :
- les squares, jardins et autres espaces verts (la Coulée verte, par exemple) doivent devenir autant de lieux pour faire découvrir aux passants une oeuvre d’art, un artiste, les arts du cirque, des concerts de plein air, etc. A l’infrastructure lourde d’un festival, la mairie préférera de petites manifestations artistiques régulières (tous les week-ends, aux beaux jours) ;
- en partenariat avec le TNB et les associations de théâtre, promotion du théâtre avec des pièces courtes (20-30 minutes) dans les grands jardins publics (au nombre de 7 dans notre ville) et autres lieux qui s’y prêtent ;
- exceptée la musique qui « parle d’elle-même », l’art est souvent muet pour les non-initiés. Un effort doit être fait pour que l’oeuvre artistique ne soit pas juste considérée comme « quelque chose de beau que l’on contemple ». Elle s’inscrit toujours dans une époque et un contexte politique, social et économique donné. A chaque fois que ce sera possible, donner des éléments sur l’époque à laquelle l’artiste a réalisé son œuvre, afin de mieux faire comprendre le sens de l’intervention qu’il a voulu y incarner. Parfois, pour que le non-initié puisse affiner son regard sur l’oeuvre, on mettra en présence deux ou trois oeuvres soit diamétralement différentes soit complémentaires, pour mettre en relief l’originalité de celle-ci. La Mairie s’adressera aux étudiants en Histoire, Histoire de l’art, Beaux Arts pour d’éventuelles animations faisant cet effort pédagogique vis-à-vis du grand public
- dans le même esprit, la Mairie – qui s’attachera à faire rencontrer l’artiste et le public beaucoup plus souvent qu’aujourd’hui – multipliera les occasions de montrer une oeuvre en devenir : l’artiste la réalisant devant le public. L’intention est là aussi de ne pas laisser le public dans une attitude de contemplation béate, mais de montrer l’art comme un objet vivant. On peut, par exemple, imaginer des sculpteurs sur bois réalisant des portraits sous les yeux des passants, en 15 à 30 minutes, dans la galerie commerciale du centre Alma les samedis de grande affluence.
Ainsi l’artiste, avec son oeuvre et son atelier, viendra à la rencontre des Rennais dans leur quotidien.
Notre approche suppose, bien entendu, que nous défendions bec et ongles le statut d’intermittent du spectacle, en favorisant tout particulièrement les orchestres et les groupes de théâtre amateurs, qui s’efforcent de rendre vivants les témoignages artistiques du patrimoine de l’humanité.

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Démonstration musicale en pleine rue

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