Réponses au questionnaire « culture » du webzine Unidivers

Cette semaine le webzine culturel rennais Unidivers publie les réponses données par les candidats a son questionnaire sur la culture.
Nous publions ci dessous l’intégralité du questionnaire et les réponses faites par Alexandre Noury, tête de liste Solidarité et progrès et Bruno Abrial, colistier.
Pour retrouver le questionnaire et les réponses sur le site d’Unidivers, cliquez ici !

 

1. Pour nombre de Rennais et de Français, l’accès à la culture pour tous reste un objectif prioritaire avec la sauvegarde et le développement du patrimoine culturel, la défense de la liberté d’expression et du pluralisme ainsi que le soutien à la création artistique. Qu’en pensez-vous ? De vôtre côté, comment concevez-vous la culture et sa place dans notre société aussi bien nationale que locale ?

Je partage pleinement le sentiment que tout ce qui a regard à la culture, et en particulier l’accès pour le plus grand nombre, est une chose essentielle ; d’autant plus dans la période de crise existentielle que nous traversons : le pouvoir de l’argent rabaisse l’homme à ses instincts les plus primaires. Tandis que nous avons relativement progressé dans le domaine matériel (ce qui est de moins en moins vrai depuis quelques années), nous avons régressé dans le domaine de l’esprit, c’est-à-dire dans ce qui est proprement humain. Bref, nous sommes devenus des abrutis-Ipod.

La culture est ce qui nous permet de nous libérer de la prison du présent : en accédant aux plus grandes œuvres de l’histoire de l’humanité, en découvrant les cultures d’outre-temps et d’outre-lieux, on reconnaît qu’il s’agit de différentes expressions d’une même humanité ; on sollicite alors en nous nos cordes les plus profondes, celles de l’estime de soi, du respect de l’autre et de l’amour de l’humanité.

2. Quels sont les principaux atouts, mais aussi les principaux handicaps qui pèsent sur la vie culturelle à Rennes, sur son rayonnement régional, national et international ? Quelle nouvelle vision défendriez-vous si vous étiez élu(e) ?

 Le point fort de la vie culturelle de Rennes est la place importante qui lui est accordée par la municipalité depuis plus de 50 ans : aujourd’hui, cela représente 8 % des employés municipaux et 11 % du budget. Lorsqu’on a vécu ailleurs et que l’on vient s’installer à Rennes (ce qui est mon cas), on découvre une ville animée d’un certain esprit, avec une sorte d’unité, fragile mais bien présente. Le problème est que l’on a mis beaucoup de moyens en vue de faire briller Rennes sur la scène internationale, en se laissant déterminer par un contexte où la mondialisation financière fait que les villes (qui voient les dotations de l’Etat diminuer) sont mises en concurrences les unes contre les autres. Ce faisant, non seulement on a délaissé le tissu social et culturel dans les quartiers (en témoigne la déclaration du quartier du Blosne en Zone de Sécurité Prioritaire), mais on a surtout privilégié une vision où l’on cultive en surface – une culture « cosmétiques », soumise aux lois du show-bizz – et non à l’intérieur. Ainsi, pendant qu’on met du miel en surface pour attirer les gros ours financiers, au cœur de la ville des centaines de jeunes « no future », après avoir passé de longues nuits à la rue de la soif, sortent en bande organisée pour casser les voitures et les vitrines pour crier leur haine contre la haine (cf. manif contre le meeting du FN)…

En temps qu’élu, je me battrai pour que l’art et la science redeviennent la chose du peuple, en rétablissant un dialogue à trois entre l’artiste, l’oeuvre et le public. Les deux piliers de notre politique culturelle seront : 1/ le projet « Amadeus », s’inspirant de « El sistema » au Vénézuela, permettra à chaque enfant de la ville, en intégrant un choeur ou un orchestre, de découvrir ce qu’est la création partagée en écoutant sa voix et celle des autres s’harmonisant pour composer l’unité dans la diversité ; 2/ le Musée de la découverte et de l’imaginaire présentera aux citoyens l’histoire des grandes découvertes de l’humanité, non pas en donnant le résultat, mais en faisant revivre les étapes ayant conduit à la découverte, à travers des expériences simples (voir notre programme).

3. Il est capital pour une société en mouvement d’aider au développement des nouvelles formes d’expressions culturelles en complément des formes classiques de la création. Comment jugez-vous l’action menée par la municipalité et métropole rennaises depuis 10 ans en matière d’expressions alternatives et émergentes ?

 Si un certain nombre d’artistes de renommée nationale voire internationale ont été promues à travers les événements culturels de Rennes (ex : Stromae), les artistes amateurs ne disposent pas d’assez de moyens pour pouvoir répéter et se produire. Malgré l’intention affichée de lutter contre la marchandisation de la culture, la municipalité socialiste a été incapable d’inverser la tendance ; pire, Rennes a servi depuis les années 70 de laboratoire d’une culture « privatisée » promouvant la culture « populaire » rock-sexe-drogue – les pains et les jeux modernes – et excluant de plus en plus les autres cultures, classiques comme contemporaines. Ceci doit et peut changer, en modifiant une partie des subventions aux associations, dans l’objectif de ne plus céder à la tentation de la culture-vitrine, et de promouvoir des formes plus variées d’art et de culture, et un dialogue d’enrichissement mutuel entre les grandes œuvres du passé et la création contemporaine. Par exemple, la subvention d’un million d’euros aux Transmusicales permettrait d’acheter 2000 violons pour le projet Amadeus…

 4. À Rennes comme dans la plupart des villes de France, les politiques de réduction des inégalités sociales par la culture semblent globalement des échecs. En l’absence d’audit sur les actions menées par les structures subventionnées – un moyen notamment de savoir si leur mission de sensibilisation d’un public autre que leur cible sociologique fidélisée a réussi, – pensez-vous que les objectifs soient atteints ?

La carte « Sortir » a contribué à rendre davantage accessibles les diverses activités culturelles, associatives et sportives. Par exemple, la part d’adhérents au Centre Culturel Triangle provenant des ménages modestes a augmenté depuis 10 ans. Mais cela est largement insuffisant, car on se contente ainsi de mettre de la pommade et des sparadraps, tandis qu’on ne remet pas en cause un modèle culturel à bout de souffle, et que la crise économique et financière détruit la trame sociale, accroît les inégalités et pousse les individus à se recroqueviller sur eux-mêmes.

5. A Rennes, la politique culturelle des élus prend appui sur l’avis d’un ensemble de professionnels de la culture qui sont en même temps les principaux bénéficiaires de cette dernière. Le risque d’une trop étroite proximité peut être alors posé. Qui plus est, certains estiment qu’au regard des bilans financiers, créatifs et médiatiques d’associations bien connues du public ou, au contraire, bien peu connues si ce n’est de quelques élus, un véritable audit de la culture à Rennes est nécessaire. Pensez-vous qu’un tel audit et l’instauration de dispositifs d’évaluation qualitative (moyens donnés, objectifs poursuivis, résultats concrets) seraient souhaitables ? Si vous êtes élu(e), les mettrez-vous en place ?

 La trop grande proximité entre ceux qui « conseillent » la politique culturelle et ceux qui bénéficient des subventions est un problème récurrent à Rennes depuis au moins 40 ans, à l’époque où la municipalité avait introduit les créateurs des Transmusicales au sein de la direction de la Maison de la culture. La confiance souvent aveugle accordée aux acteurs professionnels par les élus municipaux a eu tendance à transformer ces derniers en de simples gestionnaires de dossiers (ce qui est vrai au niveau local comme au niveau national) de plus en plus éloignés des domaines concernés.

Je suis donc tout à fait partisan de la mise en place d’un audit et d’un dispositif d’évaluation. Il est absolument nécessaire (et naturel) que l’utilisation de l’argent du contribuable soit rendue transparente, afin bien sûr que règne une confiance mutuelle entre les élus, les acteurs culturels et les citoyens, mais également afin que l’on puisse mesurer les effets sociaux et culturels concrets. Pour cela, il ne faudra pas répéter les erreurs du passé : en 1990, le comité d’experts chargé d’évaluer la politique culturelle de la ville, en plein cœur de la crise de la Maison de la culture, avait joué le jeux des professionnels qui souhaitaient renforcer leur emprise sur la vie culturelle rennaise.

 6. Si la politique culturelle nationale se fonde sur des objectifs républicains et humanistes de cohésion sociale, il est patent que le monde de l’art – de sa création à sa diffusion – est soumis aux forces du marché. Quel regard portez-vous sur le secteur privé de la culture ? Quelle pourrait être à Rennes, selon vous, une collaboration féconde entre les sphères publique, semi-publique, associative et privée ?

Dans les années 60, alors qu’il créait les maisons de la culture, André Malraux avait mis en garde contre la notion fallacieuse de « loisir » ; il considérait que cela ouvrait la porte aux « puissantes usines de rêve ». Permettez-moi de le citer ici : « Ces usines si puissantes apportent les moyens du rêve les pires qui existent, parce que les usines de rêve ne sont pas là pour grandir les hommes, elles sont là très simplement pour gagner de l’argent. Or, le rêve le plus efficace pour les billets de théâtre et de cinéma, c’est naturellement celui qui fait appel aux éléments les plus profonds, les plus organiques et, pour tout dire, les plus terribles de l’être humain et avant tout, bien entendu, le sexe, le sang et la mort. »

Rebâtir une culture humaine, de la connaissance et de la découverte, est donc indissociable du combat pour nous libérer de l’emprise des marchés et de la contre-culture de l’appât du gain, du cynisme et de l’égoïsme qui y est associée. Alors il sera tout à fait possible d’établir une relation saine entre les acteurs publics, privés et associatifs de la vie culturelle.

Pas encore de commentaires.

Laisser un commentaire